Des milliers de personnes ont manifesté, jeudi soir à Athènes et à Thessalonique, la deuxième ville du pays, contre « la forteresse Europe et en solidarité avec les réfugiés ». Le naufrage au large des côtes grecques, qui a fait mardi 78 morts et certainement plusieurs centaines d’autres, est le plus grave de ces dix dernières années.
D’après les informations de Rfi, les recherches continuent, mais les espoirs de retrouver d’autres survivants sont minces. Selon plusieurs rescapés, le navire contenait entre 400 et 750 réfugiés. « Le 13 juin au matin, j’ai reçu un message de détresse via Twitter d’un réfugié qui indiquait se trouver sur un navire transportant 750 personnes. Il nous a ensuite envoyé une localisation GPS et a affirmé que les autorités italiennes, grecques et maltaises avaient été contactées. Dans l’après-midi, nous avons nous-mêmes alerté les autorités grecques, l’agence Frontex et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés », raconte un bénévole de l’association “Alarm Phone” qui reçoit les appels de détresse des migrants.
Quelques heures plus tard, le navire coulait dans l’un des endroits les plus profonds de la Méditerranée, au large des côtes grecques du Péloponnèse. L’avocat spécialiste des flux migratoires, Dimitris Choulis, affirme de son côté, que les garde-côte grecs auraient sciemment temporisé avant de se rendre sur place. « Ils les ont laissés se noyer », dit-il révolté.
Les autorités d’Athènes assurent, elles, avoir rapidement déployé des moyens pour venir en aide au bateau de fortune dont le moteur ne tournait plus. Selon elles, ce sont les migrants qui auraient, dans un premier temps, refusé toute aide. « Le bateau se trouvait dans les eaux internationales où nous n’avions pas pouvoir de le contraindre », s’est défendu le porte-parole du ministère grec des Migrations.
Entre 4 000 et 6 000 euros la traversée
La polémique enfle après le naufrage qui a fait 78 victimes et plusieurs centaines de disparus. Plus d’une centaine de rescapés ont été conduits dans le port de Kalamata, dans le sud du Péloponnèse, dont certains en état d’hypothermie avancée. La plupart, très choqués, essayaient de savoir si certains de leurs compagnons de voyage, notamment des femmes et des enfants, avaient pu être sauvés eux aussi.
Partis quatre jours avant le drame de Tobrouk, dans l’est de la Libye, ils étaient sans eau ni vivre. Selon les premiers éléments de l’enquête, le navire aurait d’abord levé l’ancre vide en Égypte pour pouvoir ensuite « charger » les centaines de candidats à l’exil, moyennant une somme de 4 000 à 6 000 euros par personne. Principalement des Syriens, des Égyptiens et des Pakistanais. Certains avaient « réservé » leur place via les réseaux sociaux, les trafiquants leur ayant promis une cabine sur un grand navire. Au moment d’embarquer, il était déjà trop tard pour faire demi-tour. Des rescapés ont indiqué qu’au moins une centaine de femmes et d’enfants étaient alors enfermés dans les cales.
Frontex mise en cause
« C’est le plus grand drame en mer depuis des années », s’emporte Dimitris Choulis, avant d’affirmer « Il aurait dû être évité ». Frontex, l’Agence européenne en charge de la surveillance des frontières, est montrée du doigt. Elle dit avoir survolé le navire quelques heures avant le naufrage, sans y déceler le moindre signe de détresse. « Comment peut-on avancer une telle chose quand on voit le bateau sur les photos aériennes, un vieux rafiot bourré de monde, dont on pouvait déjà affirmer qu’il ne tiendrait pas jusqu’au bout ? », s’emporte Iasonas Apostolopoulos, de l’organisation Mediterranea Saving Humans.
Selon lui, « les gens ont peur des garde-côtes, mais cela ne libère pas les garde-côtes de la responsabilité qu’ils ont de les sauver quand ils sont en danger ». Des experts du droit maritime ont déclaré que Frontex comme les autorités grecques auraient dû intervenir à partir du moment où le navire n’était pas sûr, que les passagers l’aient demandé ou non. « Dans de telles conditions, vous n’avez pas besoin de consentement », s’est emporté Vittorio Alessandro, ex-amiral des garde-côtes italiens. Un sauveteur local, Constantinos Vlachonikolos, a précisé sur une radio grecque : « c’était comme un bateau abandonné. Il n’y avait aucun gilet de sauvetage. Je n’ai rien vu de tel auparavant ».
Une nouvelle route migratoire
Pour éviter les fréquents refoulements des gardes côte grecs, ces fameux renvois de réfugiés pourtant illégaux, ces derniers empruntent d’autres routes, notamment celle de la Méditerranée centrale, beaucoup plus dangereuse, afin d’accoster directement en Italie. Depuis le début de l’année, plus de 1 100 personnes auraient déjà disparu dans cette région. Les organisations humanitaires comme Amnesty international dénoncent la politique grecque de plus en plus violente à l’égard des migrants et la criminalisation des bénévoles taxés de passeurs dès lors qu’ils leur viennent en aide. Plusieurs procès sont en cours.
De leur côté, les enquêteurs de la police grecque ont annoncé avoir arrêté neuf Egyptiens parmi les rescapés. Tous sont accusés de faire partie du groupe de trafiquants qui a organisé cette traversée mortelle.