Dakar, le 24 septembre 2024 – Le Sénégal pleure l’une de ses figures les plus emblématiques. Amadou Makhtar Mbow, homme de culture, intellectuel de renommée internationale, et ancien Directeur général de l’UNESCO, est décédé à l’âge de 103 ans. Il s’est éteint à Dakar, sa ville natale, laissant derrière lui un héritage monumental, tant pour le Sénégal que pour le monde entier.
Une vie consacrée au savoir et à la culture
Né le 20 mars 1921 à Dakar, Amadou Makhtar Mbow est issu d’une famille modeste. Il effectue ses études primaires et secondaires dans la capitale sénégalaise, avant de poursuivre son parcours académique en France où il excelle dans les sciences humaines. Enseignant de profession, il s’engage très tôt dans la lutte pour l’émancipation de l’Afrique, voyant l’éducation comme l’un des leviers essentiels pour la libération du continent.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Mbow sert dans les Forces françaises libres, un engagement qui marquera profondément sa vision de la coopération internationale et de la liberté des peuples. Après la guerre, il retourne à l’enseignement, où il se distingue non seulement pour son érudition, mais aussi pour son engagement dans la décolonisation des mentalités à travers l’éducation.
L’épopée à l’UNESCO
L’un des moments les plus marquants de la carrière d’Amadou Makhtar Mbow est son entrée à l’UNESCO. En 1974, il devient le premier Africain à être élu Directeur général de cette institution, un poste qu’il occupe pendant treize ans, jusqu’en 1987. Durant son mandat, il se bat pour une meilleure reconnaissance des cultures non occidentales et milite pour un « Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication », initiative visant à corriger les déséquilibres dans la production et la diffusion de l’information entre le Nord et le Sud.
Mbow est un ardent défenseur du dialogue interculturel et de la paix par l’éducation, convaincu que l’enseignement et la connaissance sont les clés pour bâtir des sociétés plus justes et équitables. Sous son leadership, l’UNESCO lance plusieurs initiatives visant à promouvoir l’accès à l’éducation pour les populations défavorisées, notamment en Afrique. Son travail a également permis de renforcer la protection du patrimoine mondial, en œuvrant pour la préservation des cultures autochtones et des traditions orales.
Un retour au Sénégal : l’engagement citoyen
Après avoir quitté l’UNESCO, Amadou Makhtar Mbow retourne au Sénégal, où il continue d’être une voix respectée dans les débats politiques et intellectuels. En 1993, il est sollicité pour présider la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI), un projet ambitieux destiné à repenser le fonctionnement de l’État sénégalais. Bien que ses recommandations ne soient pas entièrement mises en œuvre, cette initiative témoigne de son engagement inébranlable pour un Sénégal plus démocratique et plus juste.
Mbow est également un ardent défenseur de la bonne gouvernance et de la transparence. Dans ses dernières années, il n’hésite pas à critiquer la dérive autoritaire de certains gouvernements africains, plaidant pour une meilleure inclusion des populations dans la gestion de la chose publique.
Un héritage intellectuel et moral
Au-delà de ses réalisations institutionnelles, Amadou Makhtar Mbow a laissé une empreinte indélébile sur le paysage intellectuel africain. Auteur de plusieurs essais, il a écrit sur la nécessité d’une réappropriation culturelle par les Africains, dénonçant les effets de la colonisation sur les esprits. Pour lui, la véritable indépendance ne pouvait être atteinte qu’à travers un réarmement moral et intellectuel.
De nombreuses générations d’intellectuels africains ont été inspirées par son parcours et ses idées. Ses écrits sur l’éducation, la culture et les relations internationales continuent d’être des références majeures pour ceux qui travaillent à promouvoir une vision plus égalitaire du monde.
Hommages unanimes
À l’annonce de son décès, les hommages affluent de partout. Le Président de la République du Sénégal, ainsi que plusieurs chefs d’État africains, ont exprimé leur tristesse et leur gratitude pour l’œuvre de Mbow. « Le Sénégal perd un de ses plus grands fils, un homme de vision et de courage, qui a marqué l’histoire par son engagement pour l’éducation et la culture », a déclaré le chef de l’État sénégalais.
Le Directeur général actuel de l’UNESCO a également rendu hommage à celui qu’il qualifie de « pionnier », rappelant que les initiatives lancées par Mbow continuent d’influencer les politiques éducatives à travers le monde.
Une vie de principes
Jusqu’à la fin de sa vie, Amadou Makhtar Mbow est resté fidèle à ses principes : humilité, justice, et engagement au service des autres. Il n’a jamais cherché les honneurs pour lui-même, préférant se concentrer sur ses idées et leurs impacts.
L’héritage qu’il laisse est immense, et son nom restera gravé dans l’histoire non seulement du Sénégal, mais de toute l’humanité. Il rejoint désormais le panthéon des grandes figures africaines qui ont œuvré pour l’unité, l’éducation, et la dignité de leurs peuples.
Un dernier hommage
Amadou Makhtar Mbow sera inhumé à Dakar, sa ville natale, entouré de sa famille, de ses proches, et de nombreux Sénégalais reconnaissants. Des cérémonies nationales sont prévues pour honorer sa mémoire et son apport exceptionnel au pays et au monde.
La disparition de Mbow laisse un vide immense, mais son esprit continue de vivre à travers ses œuvres et les générations d’hommes et de femmes qu’il a inspirées.
Amadou Makhtar Mbow (1921-2024), un géant s’en va, mais son héritage demeure.