Alors que les ménages musulmans s’apprêtent à renouer avec le rendez-vous autour du bol à midi, l’incertitude plane sur la disponibilité en quantité suffisante du poulet de chair à Dakar et dans les autres régions du pays. Cette denrée, fortement consommée lors de la célébration de l’Aïd el-Fitr ou Korité, est rare dans les poulaillers de la zone de Sangalkam (ouest de la capitale), où une grande partie de la volaille a été décimée par la grippe aviaire et le virus de la maladie de Newcastle, renseigne l’Agence de presse sénégalaise.
Cheikh Bâ, un éleveur âgé d’une trentaine d’années, est tout nostalgique des années fastes de ses activités avicoles. Des 900 poussins qu’il a acquis récemment, environ 200 seulement ont atteint l’âge de la maturité, les autres étant décimés par le virus de Newcastle. « C’est de grosses pertes que nous subissons à cause du virus », dit le jeune aviculteur, tout inquiet.
Selon les éleveurs de volaille locaux, le virus de Newcastle sévit à Sangalkam et les localités voisines, l’une des plus importantes zones d’aviculture du pays. La maladie a fait son apparition dans le poulailler de Cheikh Bâ lorsque les poussins ont eu vingt-cinq jours d’existence. « J’ai perdu environ 1 million de francs CFA dépensés pour l’alimentation de la volaille et l’achat de poussins », s’inquiète M. Bâ.
Ibrahima Touré partage la même inquiétude avec lui. Le virus de la maladie de Newcastle, très contagieux, a fait son apparition dans son poulailler situé près de la route reliant Niakoulrab à Ndiakhirate. « Elle a ravagé près de 3.000 des 5.000 sujets que nous possédions. Il nous restait quelque 2.000 têtes, que nous étions obligés d’abattre pour réduire les risques de propagation de la maladie », raconte M. Touré.
Selon lui, la grippe aviaire est apparue dans la zone, précédant la maladie de Newcastle. Aujourd’hui, l’éleveur de volaille estime avoir perdu plus de 5 millions de francs CFA. Cette estimation ne prend pas en compte les dépenses qu’il a faites pour les soins vétérinaires, précise-t-il.
« Nous avons saisi la Sedima (une entreprise avicole) mais elle n’a pas encore réagi », déclare M. Touré en parlant de son fournisseur de poussins et d’aliment de volaille. Une autre société fournissant des poussins à Babacar Mbaye a rejeté toute responsabilité lorsque l’éleveur l’a contactée après la mort de la volaille.
Désemparé, Ibrahima Touré se contente maintenant de ses poules pondeuses, qui ont été « moins touchées’’ par la grippe aviaire et la maladie de Newcastle que les poussins. Les poules ont perdu plus de 50 % de leur capacité à pondre des œufs », se désole-t-il.
Babacar Mbaye fait partie des aviculteurs victimes de l’épidémie de grippe aviaire et du virus de la maladie de Newcastle. « Nous avons subi de grosses pertes », s’inquiète-t-il, rappelant avoir acquis des milliers de poussins. « Nous avons presque tout perdu », regrette le jeune éleveur de volaille. Il affirme avoir dépensé près de 7 millions de francs CFA pour l’acquisition des poussins et de leur alimentation.
Vers une hausse probable des prix du poulet
Il ne fait aucun doute que le poulet, une denrée de prédilection pour la célébration de l’Aïd el-Fitr, fera l’objet d’une pénurie à cause des nombreuses têtes de volaille décimées dans la zone de Sangalkam, selon les éleveurs locaux. La pénurie est d’autant plus probable que les poussins ayant survécu à l’épidémie n’ont pas atteint la taille et le poids requis pour être consommés lors de l’Aïd el-Fitr, la fête marquant la fin du ramadan.
A Niakoulrab, Amy Diop, une femme de ménage interrogée par l’Agence de presse sénégalaise, devine déjà la conséquence sur la bourse des ménages. « Les consommateurs vont beaucoup ressentir ces pertes », s’inquiète-t-elle. Nombre de consommateurs, comme elle, craignent une hausse des prix du poulet. « Il faut s’attendre à une hausse des prix parce que nous avons trop perdu », prévient Babacar Mbaye, ajoutant que des aviculteurs, comme lui, ne savent pas quoi faire pour atténuer les pertes.
Parmi les nombreux éleveurs contrariés par la disparition massive de la volaille, Cheikh Bâ explique que le poulet pesant entre 1,5 et 2 kilos est vendu à 2.500 francs CFA chez les aviculteurs et à 3.000 ou 3.500 une fois déplumé, en dehors des poulaillers. Des prix qui vont sans doute grimper au fur et à mesure que le jour de la fête approche.
Déjà, au marché Castors comme à Grand-Yoff, à la périphérie de Dakar, le poulet de 1,5 kilo est vendu à 3500 FCfa, tandis que ceux pesant 2 et 2,5 kilos s’achètent respectivement à 4000 et 5000 FCfa. Les moins bons, dont le poids n’excède pas 1,5 kilo se vendent à 2500 FCfa.
La Fao en appoint aux populations
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) a remis, mardi à Saint-Louis (nord du Sénégal), un appui symbolique au Comité de lutte contre la grippe aviaire signalée depuis le 8 mars dans le Parc national de la Langue de Barbarie (Pnlb). Le matériel comprend entre autres des produits pour enterrer en toute sécurité les cas de mortalité enregistrés, a précisé Ahmadou Tidiane Niang, chef d’équipe pays du centre d’urgence pour la lutte contre les maladies animales transfrontalières de la Fao. Un équipement de protection individuelle a été aussi remis aux services techniques de Saint-Louis, rapporte l’Agence de presse sénégalaise.
L’aliment offert sera distribué aux populations environnantes du Pnlb pour leur permettre de confiner leur volaille à la maison et éviter leur contamination, a-t-elle assuré. Car la plus grande crainte était à l’approche de la Korité (…) de voir la volaille domestique être contaminée.
Déclarée au Pnlb, la grippe aviaire a enregistré 1783 cas, alors qu’aucun autre n’a été déclaré depuis le 3 avril, a fait savoir l’adjointe au gouverneur Fatoumata Mokhtar Ndiaye.