Des vitraux aux couleurs vives éveillent cette journée pluvieuse. Il fait froid dans cette église à Hackney, dans le nord de Londres. Les bénévoles emmitouflés dans leurs manteaux servent des sacs remplis de nourritures.
« Pâtes, riz, jus de fruit, légumes en boîte, biscuit, sucre… », énumère Clive. Il travaille pour la banque alimentaire depuis sept ans. Il voit de plus en plus de nouvelles têtes franchir le seuil du lieu de culte.
C’est le cas de Simon, comédien de 28 ans. « C’est ma première fois dans une banque alimentaire, ça fait trois semaines que je ne mange que de la soupe et du pain, donc j’ai un peu faim. Je ne mets pas le chauffage, j’utilise le moins possible l’électricité », indique-t-il.
« On ne peut pas continuer à s’agrandir »
Son visage caché derrière son bonnet noir et son masque révèlent des yeux verts fatigués. Depuis qu’il a attrapé le coronavirus, il ne peut plus postuler de nouveaux emplois. Des cas de Covid long qu’on voit souvent, explique Pat, des boucles grises tombent sur son visage souriant.
Elle dirige la banque alimentaire depuis 10 ans. La demande n’a jamais été aussi élevée, même pendant la pandémie. « On s’attend à ce que ça dure encore au moins 2 ans. Quelque chose doit changer, car de plus en plus de personnes ont besoin de notre aide. On ne peut pas continuer à s’agrandir », craint Pat
Une chose l’inquiète encore plus, le profil de ses nouveaux clients : des familles dont les parents travaillent, si bien qu’elle doit adapter les horaires. « Des infirmières, des professeurs… Nous avons dû mettre en place un nouveau créneau, le vendredi soir, de 18h à 20h, qui permet aux personnes qui travaillent de venir dans notre banque alimentaire. Jusqu’ici, nous n’avions jamais eu besoin d’ouvrir le soir. »
D’une crise du coût de la vie en crise de santé publique ?
Pat fait un signe de la main à une dame d’un certain âge qui vient d’entrer dans l’église avec son caddie. Elle n’a pas très envie de parler de sa situation comme la plupart des gens ici. « On n’utilise plus la lumière et pas le chauffage, donc on a froid. Depuis ce matin, j’ai un peu de gaz, au moins on pourra boire quelque chose de chaud», explique la femme.
L’association qui gère ces points de distribution dans le pays a publié ses derniers chiffres. En 6 mois, 320 000 nouvelles personnes ont fréquenté une banque alimentaire. Le rapport à la nourriture change, alerte Susan Jebb de l’organisme britannique Food Foundation,
Nos dernières chiffres montrent qu’un tiers des personnes interrogées nous déclarent qu’au cours du dernier mois, elles ont sauté un repas ou mangé un repas beaucoup plus petit que d’habitude parce qu’elles s’inquiétaient du prix des aliments. Et c’est une augmentation dramatique par rapport à il y a seulement 6 mois.
Elle craint que cette crise du coût de la vie se transforme en crise de la santé publique.
Avec RFI