Alors que l’armée sud-coréenne prend en ce moment part au plus grand exercice aérien conjoint de son histoire avec son allié américain, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a fustigé mercredi la « provocation » de Pyongyang, dénonçant une « invasion territoriale de fait ».
Tout a commencé à 8h51 heure locale (23h51 TU) quand trois missiles balistiques nord-coréens de courte portée ont été lancés et que l’un a franchi la « Ligne de limite du Nord », qui constitue de fait la frontière maritime entre les deux pays. Une première depuis la division de la péninsule après la guerre de Corée en 1953.
Dans la foulée, une rare alerte au raid aérien est déclenchée dans l’île sud-coréenne d’Ulleungdo, située à environ 120 km à l’est de la péninsule coréenne, où les habitants ont reçu consigne de se réfugier dans des bunkers. Il a été demandé aux habitants « d’évacuer vers l’abri souterrain le plus proche », rapporte notre correspondant à Séoul, Nicolas Rocca.
Un des missiles a terminé sa course en mer à seulement 57 kilomètres de la ville sud-coréenne de Sokcho, dans le nord-est de la Corée du Sud, a indiqué l’armée sud-coréenne qui a qualifié de « très rare et intolérable » cette salve inédite. Elle a annoncé dans la foulée avoir tiré, pour sa part, trois missiles air-sol près de la frontière maritime intercoréenne.
Au total, la Corée du Nord a lancé au cours de la journée de mercredi 22 autres projectiles, dont des missiles balistiques à courte portée et des missiles sol-air, selon l’armée sud-coréenne. Et en début d’après-midi, toujours selon Séoul, l’armée nord-coréenne a procédé à une centaine de tirs d’artillerie depuis la province de Kangwon, dans le Sud-Est du pays, vers l’intérieur de la « zone tampon » frontalière instaurée en 2018 dans l’espoir de réduire les tensions et les risques d’incident armé entre les deux pays.
Moscou appelle « tout le monde à garder son calme »
En réaction, la Russie a appelé « tout le monde à garder son calme », selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. « Toutes les parties de ce conflit doivent éviter de prendre des mesures quelconques susceptibles de provoquer une montée des tensions », a-t-il dit, soulignant que la « situation sur la péninsule est déjà assez tendue ».
L’armée nord-coréenne a également procédé à plus d’une centaine de tirs d’artillerie dans la « zone tampon » maritime entre les deux pays, là où Corée du Sud et États-Unis effectuent d’importantes manœuvres aériennes dénoncées par Pyongyang.
Le président Yoon a convoqué une réunion du Conseil national de sécurité au sujet de cet incident, l’un des plus agressifs depuis plusieurs années estiment des analystes. Le président sud-coréen a en outre ordonné des mesures « rapides et sévères afin que la Corée du Nord paie un prix fort pour ses provocations ». La Corée du Sud a fermé plusieurs routes aériennes au-dessus de la mer du Japon, conseillant aux compagnies aériennes d’effectuer un détour pour « assurer la sécurité des passagers sur les routes en direction des États-Unis et du Japon ».
Une réponse nord-coréenne à l’exercice militaire de la Corée du Sud et des États-Unis ?
Cet acte militaire de la Corée du Nord n’étonne pas Ankit Panda, chercheur américain, au micro de Nicolas Rocca : « Le fait que les Nord-Coréens aient confiance en leur capacité nucléaire, qu’ils les aient prouvés et qu’ils aient tous ces missiles balistiques qui fonctionnent, va les rendre fondamentalement plus sûrs pour lancer des missiles proche d’îles sud-coréennes, ou de leurs côtes. »
Ces tirs nord-coréens semblent une réponse directe à « Tempête vigilante » (« Vigilant Storm »), le large exercice des forces aériennes de Séoul et Washington en cours depuis lundi 31 octobre. Une dynamique dangereuse pour le spécialiste des questions de défense sur la péninsule. « Nous voyons les deux côtés monter les enchères dangereusement. Les Nord-Coréens répondent à ce que font les Sud-Coréens, et la Corée du Sud et les États-Unis répondent à ce que fait la Corée du Nord. Et je suis inquiet que cela puisse se transformer en la plus grave crise sur la péninsule depuis 2010. » Cette année-là, un bateau sud-coréen avait été coulé et une île sud-coréenne avait été bombardée.
Séoul choisit l’escalade
Depuis l’arrivée du conservateur Yoon Suk-yeol à la tête de la Corée du Sud, les relations avec Pyongyang se sont considérablement détériorées, analyse notre correspondant. Avant même son élection à la présidence, il avait fait connaître ses intentions en évoquant la possibilité de frappe préventives sur la Corée du Nord. Élu sur une promesse de rupture avec la politique d’ouverture de Moon Jae-in, Yoon a tenu parole. Il a relancé les exercices militaires conjoints avec les États-Unis, ce qui a le mérite d’augmenter les capacités de défense de son pays face à une attaque nord-coréenne, mais qui agace aussi notoirement Pyongyang.
Il a également proposé à de nombreuses reprises, dont encore une fois la semaine dernière « un plan audacieux » à la Corée du Nord, à savoir aide économique contre dénucléarisation. Ce dernier a été qualifié de « sommet d’absurdité » par Kim Yo-jong, la sœur de Kim Jong-un. Une réponse qui laisse peu de place à une amélioration des relations entre les deux Corées.
Depuis cet été, Séoul réagit de manière forte et rapide aux différents exercices ou essais nord-coréens, favorisant ainsi l’escalade des tensions. Une stratégie assez traditionnelle parmi les conservateurs sud-coréens, mais qui pour l’instant est assez loin de porter ses fruits.
Avec rfi.fr