Créée en 1975, la Cedeao aux ambitions économiques à l’origine se trouve happée par la politique. L’organisation fortement décriée pour ses prises de position et ses décisions dictées par la conjoncture politique a perdu le fil sur des questions autrement décisives comme le franc CFA.
La CEDEAO a-t-elle perdu son âme ? La question s’impose au regard des mille et un actes dans lesquels l’organisation s’illustre depuis quelque temps. Créée en 1975, la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’était assignée la mission de promouvoir la coopération et l’intégration et, au final, de créer une union économique et monétaire ouest-africaine. La politique a, visiblement, supplanté l’économie dans les déclarations de principe originelles. L’organisation a les mains totalement trempées dans le règlement des conflits politiques. En témoigne, la dernière réunion extraordinaire de l’organisation sous-régionale, tenue à New York, le jeudi 22 septembre 2022, en marge de la 77ème assemblée général des Nations-Unies. Lors de la rencontre, les chefs d’Etat ont décidé de « sanctions progressives » contre la junte militaire au pouvoir en Guinée. Ils reprochent aux militaires, arrivés au pouvoir par la force en septembre 2021, de rester aux affaires pendant trois ans. Ces sanctions visent des personnalités et la junte elle-même a précisé sur RFI, le président de la CEDEAO, Umaro Sissaco Embalo. Si l’organisation passe à l’acte, ce ne sera guère une première. Car, lors de son 4ème sommet extraordinaire de l’organisation sur la situation politique au Mali, tenu le 9 janvier 2022, de nombreuses sanctions avaient été prises contre Bamako. Des sanctions financières et économiques décidées et endossées par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) au rang desquelles on compte le rappel des ambassadeurs des Etats de la CEDEAO, la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de l’organisation et le Mali, la suspension de toutes transactions commerciales et financières avec Mali, à l’exception des produits alimentaires de grande consommation et produits pharmaceutiques, notamment, le gel des avoirs de la République du Mali dans les Banques centrales de la CEDEAO, et le gel des avoirs de l’Etat malien et des entreprises publiques et parapubliques dans les banques commerciales. A l’époque, le Mali, dans un sursaut d’orgueil fortement appuyé par l’opinion nationale, avait pris des mesures de rétorsion contre les pays de l’organisation excepté la Guinée. Les sanctions avaient suscité une émotion débordante notamment dans les réseaux où la CEDEAO avait et continuent d’ailleurs à essuyer des critiques acerbes. « Où était la CEDEAO quand Alpha Condé tuait des Guinéens au nom de son 3ème mandat ? », « Pourquoi la CEDEAO s’est tue face au forcing d’Alassane Ouattara ? », c’est ce genre de questions qui a inondé les réseaux au lendemain des mesures contre le Mali. En 2017, la CEDEAO avait réussi son implication dans la crise politique en Gambie au point d’obtenir de Yaya Jammeh, l’ex-chef de l’Etat, son exil forcé en Guinée équatoriale. Battu à la Présidentielle par l’actuel président de la République Adama Barrow, Jammeh avait dans un premier temps reconnu sa défaite avant de se rétracter et de demander le recomptage des voix. La CEDEAO lui oppose un niet catégorique et envoie des troupes en Gambie prêtes à le déloger du palais. Finalement, grâce à la médiation des présidents, aujourd’hui déchus, Alpha Condé (Guinée) et Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jammeh fini par quitter la Gambie après 22 ans au pouvoir.
En dépit de la forte médiatisation de ses actions politiques, la CEDEAO a ouvert des chantiers économiques notamment sur le franc CFA où elle attendue par une opinion de plus en plus exigeante. En décembre 2019, les dirigeants de la CEDEAO ont annoncé que le franc CFA sera remplacé par la monnaie unique dénommée « ECO ». Et il avait été décidé de lancer l’ECO en 2020. Deux ans après, le projet qui tarde à se concrétiser risque d’être sérieusement compromis par les positions bellicistes de la Guinée et du Mali.