Maram Kaïré, patron de l’Agence sénégalaise d’études spatiales, a pris part à la 3ème édition du Forum ‘’Afrique Cœur du Monde’’ organisée, samedi à Dakar, par Edutrace Sénégal sur le thème : « le numérique et l’agrobusiness, une opportunité à l’entreprenariat des femmes et des jeunes ». Occasion saisie par votre site d’informations économiques et financières, l’œil du continent, pour s’entretenir un petit moment avec celui dont l’astéroïde 35462 porte le nom. Dans cet entretien, M. Kaïré, également coordonnateur des missions de la Nasa au Sénégal, aborde l’importance du spatial dans le développement des nations comme tant espéré au Sénégal. Entretien !
Faire du Sénégal une nation spatiale, cela implique quoi au juste ?
Ecoutez, c’est une décision présidentielle. Le président Macky Sall a pris la décision par décret présidentiel du 29 mars de créer une agence spatiale au Sénégal. Vous savez aujourd’hui, c’est un enjeu au niveau stratégique mondiale de pouvoir utiliser des données qui viennent de l’espace sur plusieurs axes prioritaires ; que ce soit dans le domaine de l’observation de la terre, l’urbanisation, la surveillance des frontières, le domaine maritime ; tous les secteurs prioritaires : la santé, l’éducation ont fait appel, aujourd’hui, aux données satellitaires et à l’utilisation de la technologie spatiale.
Donc, c’est un vecteur de développement. L’Afrique est en train de faire de grands pas pour rattraper un peu le retard qu’on a accusé par rapport à cela. Et le président de la République, son Excellence Macky Sall, a compris la nécessité pour le Sénégal d’être assis à la table des grandes nations spatiales, c’est la raison pour laquelle il a créé cette agence sénégalaise d’études spatiales.
Quelles sont les missions assignées à cette agence ?
C’est une agence qui a pour mission de coordonner toute l’activité spatiale du Sénégal et de faire en sorte que nous puissions utiliser les services et produits dérivés du spatial pour répondre aux besoins prioritaires des populations, mais également aux missions régaliennes de l’Etat.
C’est cela aujourd’hui le rôle de cette agence et nous allons essayer de mettre en place les infrastructures nécessaires, la formation nécessaire, le développement du capital humain et faire en sorte que le Sénégal puisse développer sa coopération internationale avec les pays qui, aujourd’hui, utilisent le spatial aussi bien sur le continent africain que dans le reste du monde.
Avez-vous pu identifier des défis à relever pour y arriver ?
Ecoutez, les défis, comme je disais, c’est à plusieurs niveaux. Il faut déjà qu’il y ait une politique et une stratégie spatiale clairement définies. A partir de là, il faut renforcer le capital humain.
Il y a beaucoup de jeunes et de moins jeunes peut-être même qui s’intéressent, aujourd’hui, au spatial, mais qui ne peuvent pas l’étudier dans leur propre pays.
Donc, la formation devra être renforcée. Il faudra créer les infrastructures, avoir les satellites, c’est une chose, mais il faut réceptionner les données avec des stations au sol et pouvoir les traiter.
J’ai parlé de la coopération, mais également de la communication. Si aujourd’hui, vous lancez un projet aussi important que la mise en place d’une agence spatiale, il faut que la communication suit pour que les populations puissent comprendre qu’on ne fait pas du spatial pour le prestige de le faire, mais qu’on le fait pour répondre aux exigences des populations. C’est cela en fait les enjeux sur lesquels nous allons mettre l’accent pour le démarrage de cette agence.
« Il est temps qu’on puisse exploiter l’agriculture intelligente à grande échelle au Sénégal »
Maintenant, il y a beaucoup de développements. On parle de développement de satellites, des ensembles de satellites qu’on appelle des constellations de satellites, tout cela, c’est dans le programme technique. Mais dans un premier temps, il est question de la formation, du renforcement du capital humain, des infrastructures et de la communication pour l’appropriation de ce projet par les populations.
On a beaucoup parlé d’agriculture de précision dans les échanges de ce matin, qu’est-ce que l’agence pourrait apporter de plus à ce domaine ?
Aujourd’hui, la technologie permet, grâce à l’utilisation des satellites, d’avoir une bonne vue sur l’étendue des terres qui sont exploitables. Savoir quelle est la qualité du sol que nous avons ; quel est le rendement que nous pouvons attendre de ce sol. Tout cela, on arrive à le faire aujourd’hui grâce aux capteurs qui équipent certains types de satellites, pour pouvoir étudier les surfaces qui sont cultivées ; pour voir là où il y a des risques de prolifération d’une espèce quelconque qui peut nuire à la production. Le rendement des sols est une chose que les satellites peuvent nous aider à déterminer.
lMais de façon beaucoup plus globale, des satellites de météorologie, de climatologie permettent également de renforcer la fiabilité des prévisions météorologiques qui permettent au monde agricole de pouvoir avoir des données beaucoup plus fiables pour leurs productions. C’est une réponse concrète à l’utilisation des satellites.
Mais de façon beaucoup plus globale et détaillée, l’aspect fertilisation des sols aujourd’hui, qui demande un travail manuel parfois très difficile, grâce à l’utilisation de la technologie des drones pilotés par des satellites, on peut gagner beaucoup en rendement. Des terres très vastes peuvent être fertilisées sur des durées très réduites grâce à l’utilisation automatisée de ces drones avec un pilotage par satellite. Ce ne sont que des bénéfices que nous avons avec cette agriculture intelligente et il est temps qu’on puisse l’exploiter à grande échelle au Sénégal, et cela fait partie des axes prioritaires sur lesquels nous comptons travailler avec l’agence.