Les groupes d’épargne communautaire, comme les associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC), représentent des solutions simples, mais intéressantes pour favoriser l’inclusion financière des exploitants artisanaux de l’or et servir de point de départ pour la formalisation du secteur dans les pays africains, selon un rapport publié en mars dernier par IMPACT, un organisme à but non lucratif qui œuvre à transformer la façon dont les ressources naturelles sont gérées dans les zones où la sécurité et les droits de l’homme sont menacés.
Le rapport précise que le secteur aurifère artisanal entretient une forte dépendance envers le préfinancement dans plusieurs pays du continent comme le Burkina Faso et la RD Congo. On entend par préfinancement des avances de fonds octroyées par les acheteurs d’or aux exportateurs qui, à leur tour, avancent des fonds à d’autres parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement – comme les négociants, les coopératives et les mineurs artisanaux. Ce mode de financement aide ces derniers à subvenir à leurs besoins essentiels, comme se loger et se nourrir, pendant qu’ils travaillent pour extraire suffisamment d’or à vendre. Il les aide également à couvrir le coût de l’équipement et du carburant nécessaires à la poursuite de leurs activités.
A défaut de compter sur les banques, les membres de la communauté et les parties prenantes du secteur aurifère ont recours à des formes de financement informelles. La plupart d’entre eux reçoivent du financement de la part de négociants ou d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Bien souvent, ils remboursent cet emprunt en versant au prêteur un pourcentage de l’or extrait, ce qui les expose à des conditions d’emprunt défavorables et à un fort endettement auprès des négociants.
Un cercle vicieux
Le recours à des moyens de financement informels suscite souvent la méfiance des institutions financières et des acteurs du marché officiel, qui hésitent à nouer des relations commerciales avec les exploitantes et exploitants artisanaux et les négociants. Les préoccupations des institutions financières concernent surtout les risques de conformité liés au blanchiment d’argent ou à d’autres activités criminelles telles que les attaques armées illégales et les mouvements djihadistes, mais aussi les risques de réputation que soulève le travail des enfants dans les mines d’or artisanales. Cette situation laisse les personnes qui extraient ou qui négocient l’or artisanal dans une situation de dépendance envers le financement informel. Autrement dit, même si les travailleuses et travailleurs artisanaux souhaitent entrer sur le marché légal et formel, ils sont poussés dans le cercle vicieux du commerce parallèle et illicite.
C’est là les groupes d’épargne communautaire comme les AVEC entrent en jeu.
Le rapport souligne que l’organisme IMPACT, qui bénéficie notamment du soutien du gouvernement canadien, a lancé pour la première fois des AVEC dans des communautés de l’extraction artisanale de l’or dans le nord-est de la province de l’Ituri, en RD Congo, dans le cadre du projet AFECCOR (Autonomisation des femmes par l’épargne et le crédit communautaire responsable).
Le projet AFECCOR a été étendu au Burkina Faso en 2021, où il est offert aux communautés de cinq sites d’extraction artisanale de l’or dans le Centre-Ouest et le Centre-Nord, dans le cadre du projet Fondations pour la paix d’IMPACT.
En RD Congo, plus de 800 femmes et de 600 hommes ont fondé 50 AVEC et économisé collectivement plus de 45 000 dollars en un an. La majorité des 1200 prêts consentis, soit 72 %, ont été contractés par des femmes. Au bout de la première année, les AVEC ont toutes décidé de poursuivre leurs activités, et 20 autres groupes d’épargne communautaire ont été lancés par d’anciens membres.
Au Burkina Faso, ce sont 54 AVEC qui ont été créées par plus de 1300 membres, dont plus de 80 % sont des femmes. Au cours de la première année du cycle d’épargne, soit entre décembre 2021 et décembre 2022, les membres ont mis de côté collectivement plus de 131 000 dollars.
Des regroupements plus structurés
La majorité des membres des AVEC ont contracté des prêts auprès de leurs groupes : 94 % de femmes et 87 % d’hommes. Dans la région du Centre-Nord, pour 62 % des membres, c’était la première fois qu’ils contractaient un prêt. Dans les deux cas, les prêts ont généralement servi à lancer ou à bonifier des activités génératrices de revenus dans le secteur des petits commerces et services comme le transport et les services alimentaires.
Le rapport indique d’autre part que les groupe d’épargne communautaire peuvent remettre en cause l’utilisation de l’or comme monnaie d’échange pour les transactions courantes dans les régions où cette pratique est répandue. Comme seul l’argent comptant peut être déposé dans un compte de l’AVEC, les membres sont encouragés à échanger régulièrement leur or contre des espèces, mais aussi à payer leurs créanciers en argent comptant. Au terme du premier cycle financier en RDC, 70 % des participantes et 57 % des participants du projet AFECCOR disaient utiliser davantage d’argent qu’auparavant pour leurs transactions quotidiennes. Ce changement réduit l’emprise des prêteurs informels qui proposent souvent des conditions défavorables aux travailleurs et surtout aux travailleuses.
Les AVEC représentent également des structures sociales qui peuvent aisément évoluer vers des collectifs d’exploitantes et d’exploitants artisanaux de plus grande envergure ou soutenir la création de tels regroupements, en particulier des regroupements de femmes. Ainsi, la création de la première association d’exploitantes minières artisanales dans la province congolaise de l’Ituri, le REAFECOM, est le fruit d’une initiative des adhérentes des AVEC dans leurs communautés respectives.
En RDC, en Ouganda et au Zimbabwe, IMPACT a constaté que très souvent, c’est l’offre de financement communautaire qui représente une première étape vers la création d’associations d’exploitantes minières. La fréquente évolution des groupes d’épargne communautaire vers d’autres formes de regroupements miniers plus structurés les met sur la voie de la formalisation et de la légalité du commerce.
Notant que ces conclusions peuvent s’appliquer à d’autres géographies en Afrique comme ailleurs, IMPACT estime que les tentatives de légaliser et de formaliser le commerce de l’or dans les communautés qui pratiquent l’extraction artisanale doivent s’accompagner d’un accès à des formes de financement telles que les groupes d’épargne communautaires, qui peuvent servir de première porte d’entrée vers l’inclusion financière.