En prélude à la première édition du Forum économique sur le secteur extractif, prévue aujourd’hui, mercredi 17 mai à Dakar, l’Ong Legs Africa, à travers le Programme pour la transparence et la redevalibité dans le secteur extractif au Sénégal, est monté au créneau pour une action collective pour l’équité fiscale dans le pays.
Dans une note d’informations adressée à l’Oeil du continent, Legs Africa souligne que les pratiques d’évitement fiscal constituent un frein au consentement à l’impôt. L’Organisation non gouvernementale dirigée par Elimane Kane en veut pour preuve que sur les 90 000 contribuables immatriculées, seuls 6 000 déclarent et payent l’impôt, dont 100 entreprises qui supportent 60% des recettes fiscales.
Les contrecoups de l’évitement fiscal
Sur le plan budgétaire, note la même source, l’évitement fiscal constitue un frein à la souveraineté budgétaire en sens qu’il entraine des pertes de recettes budgétaires importantes. Ainsi, dans la loi de finance initiale LFI 2023, le déficit budgétaire est projeté à 1045,5 milliards de FCFA, soit (5,5% du PIB). En plus de cela, il réduit les marges budgétaires de l’Etat qui, de ce fait, se trouve contraint de recourir à l’emprunt. Or, relève le document, l’emprunt a des effets d’éviction sur les dépenses. D’ailleurs, en 2023, le service prévisionnel de la dette est de 1 693,9 milliards dont 1 269,6 en principal et 424,3 en intérêts et commissions.
Sur le plan socio-économique, selon toujours Legs Africa, l’évitement fiscal entraine une faiblesse des dépenses sociales. Ainsi, en 2020, les dépenses au profit des secteurs de l’éducation et de la formation ont représenté 786,49 milliards équivalant à 22% du budget, alors que celles dédiées au secteur de la santé étaient de 206,99 milliards, soit 5,8% du budget. A noter, selon elle, que ces montants comprennent les dépenses de personnel.
Ce n’est pas tout. Car d’après Elimane Kane et ses collègues de Legs Africa, du point de vue normatif, ce phénomène met à rude épreuve l’efficacité du dispositif légal et règlementaire de lutte contre l’évitement fiscal agressif (lois, conventions, outils) et sur la pertinence du cadre institutionnel de lutte contre ce fléau, de la programmation du contrôle fiscal à la formation des vérificateurs.
Impact de l’évitement fiscal
Quelques chiffres du rapport d’activités au titre de l’année 2021 du Ministère des Finances et du Budget, sur la base du renseignement fiscal et du recensement, 47 465 contribuables ont été régularisés, soit 47,5% de la cible de 100 000 contribuables.
Comparée au 78 000 contribuables régularisés en 2020, une baisse 41,7% a été notée en raison de l’incomplétude des informations, selon l’Ong Legs Africa.
La couverture du contrôle fiscal des grandes et moyennes entreprises a connu une belle performance en 2021, puisque la cible annuelle de 25% a été atteinte. Comparé à 2020 qui affichait un taux de 35%, un repli de 10 points de pourcentage a été observé, note-t-on.
Quant aux objectifs de recouvrement des recettes, un taux de 88% a été réalisé en 2021 contre 96,9% un an plus tôt, soit une baisse de 8,7 points de pourcentage. En valeur absolue, analyse Legs Africa, ces proportions correspondent à des recettes recouvrées de 1 659,2 milliards sur un objectif de 1 879,1 milliards dans la seconde Loi de finance rectificative LFR 2021, soit une moins-value de 219,9 milliards.
Les obstacles à l’équité fiscale se lisent à deux niveaux
Les obstacles à l’équité fiscale se lisent à deux niveaux. Selon la perception du contribuable, il est question d’évitement fiscal, d’exonérations, d’optimisation fiscale, d’opacité fiscale et de contournement du fait de la pression fiscale.
Du point de vue de l’administration fiscale, (Direction générale des Impôts et des Domaines, la Direction Générale de la Douane, l’Inspection du Travail, la Caisse de Sécurité Sociale et l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal), il s’agit de la complexité et ou l’inaccessibilité de la matière fiscale, la pression fiscale qui est plus forte chez les personnes physiques, l’arbitraire fiscal, les impairs au niveau des services publics (accueil clientèle – prise en charge – service public) et la faible coopération des Etats.
L’évitement fiscal en quelques mots
L’évitement fiscal peut être défini à travers trois notions. D’abord, la fraude fiscale qui est entendue comme la violation volontaire de la législation fiscale. C’est une volonté de contourner la loi fiscale pour payer ou pas d’impôt.
Puis, l’évasion fiscale renvoyant à l’ensemble des comportements du contribuable qui visent à réduire le montant des prélèvements dont il doit s’acquitter. S’il a recours à des moyens légaux, l’évasion entre alors dans la catégorie de l’optimisation, explique l’Ong Legs Africa. A l’inverse, poursuit-elle, si elle s’appuie sur des techniques illégales ou dissimule la portée véritable de ses acteurs, l’évasion s’apparente à la fraude.
Ensuite, l’optimisation fiscale qui consiste à utiliser la législation fiscale dans le but d’échapper à l’impôt par différents moyens légaux. Elle désigne ainsi le fait pour le contribuable de choisir, parmi les possibilités offertes par la loi, celle qui apparaît la moins coûteuse; il s’agit donc d’un comportement légal.