Mécaniquement, une hausse des taux directeurs de la Fed, c’est une hausse du coût de la dette pour ces pays. Quand la Fed – ou la banque centrale européenne d’ailleurs – augmente ses taux directeurs, cela attire les capitaux des investisseurs vers l’Europe et les États-Unis… et les détournent donc des pays émergents. Ce qui renchérit, par conséquent, le coût de leurs dettes. On a vu ce scénario à l’œuvre, dans les pires proportions, en 2013. Mais tous les pays africains ne traversent pas ce resserrement des conditions de financement de la même façon.
« Il y a des pays qui ne vont plus avoir accès au marché de capitaux, de manière volontaire, en tout cas à court terme. La Côte d’Ivoire ou le Nigeria, eux, ont décidé volontairement de ne pas payer ce surenchérissement de coût », explique Benoît Chervalier, banquier d’affaires et enseignant à Sciences Po Paris. Le spécialiste rappelle que la Côte d’Ivoire, que les marchés continuent de financer au vu de ses bonnes perspectives de croissance, a vu ses taux d’emprunts passer de 5% en 2021 à près de 7% fin 2022. Il en va différemment de pays comme le Ghana ou la Tunisie. « Ces pays, aujourd’hui, n’ont plus accès aux marchés de capitaux internationaux », résume Benoît Chervalier.
« Double peine » pour les pays peu exportateurs
La situation est, de fait, critique, pour les États peu exportateurs, et qui dépendent des capitaux étrangers pour leurs importations. C’est même « la double peine », résume Anouar Hassoun, le directeur régional de l’agence de notation panafricaine PBR Rating. « Vous vous retrouvez dans une situation où l’afflux de devises n’est plus suffisant pour rembourser la dette. Ce qui suppose – deuxième effet quantitatif –, la nécessité d’augmenter le niveau de dette en devises étrangères. C’est au moment même où les pays émergents, essentiellement importateurs, ont besoin de devise. Les conditions d’octroi du crédit par les bailleurs internationaux en devise se resserrent », souligne l’expert.
Coincés entre la nécessité de juguler une inflation aux conséquences dévastatrices pour leurs populations, et de financer leur économie, certains États s’enfoncent dans la crise. Certains payent des vulnérabilités anciennes. La Zambie, premier pays africain à avoir flanché en 2020, a déclaré un nouveau défaut de paiement le mois dernier.
Des interventions du FMI
Le Ghana a fait appel au FMI, tout comme la Tunisie. La Tunisie était déjà très endettée avant même la crise sanitaire. Le Ghana a vu son déficit de la balance des opérations courantes se creuser. Les agences de notations l’une après l’autre ont dégradé sa note souveraine. Au point que le cédi, sa devise, s’est effondrée, malgré les interventions de la banque centrale ghanéenne. Désormais, le Fonds Monétaire International, qui citait le Ghana en exemple il y a quelques années, doit intervenir… et bien sûr, non sans contrepartie.
« Qui dit soutient massif du FMI, dit un certain nombre de conditionnalités, donc, de réformes à entreprendre en matière de gouvernance, en matière d’emplois publics. Ce qui détermine une meilleure vertu », souligne Benoît Chervalier. « Le but, c’est d’éteindre l’incendie et, donc, injecter des liquidités conséquentes, à la fois pour satisfaire aux obligations financières de ces pays et de combler leur déficit budgétaire qui s’accroît. Leur déficit budgétaire s’accroît d’autant plus qu’encore une fois, ces mêmes pays ne peuvent plus avoir recours aux marchés financiers pour les combler », résume le banquier.
Face à une dette publique dont le creusement s’accélère et continuera de s’accélérer, l’intervention du FMI apparaît incontournable. Avant que les institutions de développement comme la Banque mondiale, voire les États partenaires, ne viennent soutenir les plus vulnérables d’entre eux. Le risque, ce sont les soulèvements sociaux. Tant au Ghana qu’en Tunisie ou en Égypte, les gouvernements avancent prudemment.
Avec rfi.fr