Armées de longs bâtons en bois, à l’ombre d’un arbre, Kadia et Aminata frappent des gros tas d’herbes qu’elles viennent de faucher. « Là, pour battre, il faut utiliser toutes nos forces. C’est après qu’on récupérera la céréale qu’on va manger. »
Des petits grains marrons se détachent de l’herbe. C’est le fonio, la céréale considérée comme la plus ancienne d’Afrique. Très résistante, elle pousse quasiment sans effort. « On ne met aucun engrais et produits chimiques. Pour l’eau, on a juste besoin d’une pluie abondante. »
Au Sénégal, elle est cultivée dans le sud-est du pays par certaines ethnies comme les Bedik et les Bassaris. « Quand nous sommes nées, on a trouvé le fonio ici, nos parents le cultivaient déjà. Mais il nous manque du matériel. »
Mécaniser la production pour développer la filière
Comme le mil, le fonio est recouvert d’une enveloppe et ses minuscules grains doivent être décortiqués. Une fois séchés, ils sont pilés au mortier pendant de longues heures. Les machines coûtent plus de 2 000 euros l’unité. Les décortiqueuses se comptent sur les doigts d’une main dans la région.
Pour Cheikh Gueye, coordonnateur d’un réseau de producteurs, toute la chaîne doit être modernisée : « Dans la décennie 2010 à 2020, ils ont mis l’accent sur la transformation en ignorant la base de production, parce qu’une unité de transformation qui est là doit bien être approvisionnée en matière première. S’il faut booster la filière fonio, il faut commencer par mécaniser les étapes de la production, à savoir la récolte et le battage par foulage au pied ».
Une grande richesse nutritionnelle
cause de ces difficultés techniques, le fonio représente moins de 1 % du total de la production céréalière au Sénégal. Pourtant, les chercheurs voient en lui un immense potentiel.
« Actuellement, vous êtes dans le laboratoire de biochimie. » À l’Institut sénégalais de recherche agricole à Thiès, le Dr Codou Gueye et son équipe étudient ses qualités depuis plusieurs années.
« Le fonio est une céréale très très intéressante parce qu’elle a une grande richesse nutritionnelle quand on la compare aux autres céréales comme le mil et le riz. C’est conseillé pour les diabétiques du fait de son indice glycémique faible, c’est aussi une céréale gluten free. »
Elle plaide pour que l’État crée un programme spécifique d’appui aux producteurs. « Avec le contexte mondial actuel, les pays doivent se battre pour manger ce qu’ils produisent. »
Penchés sur leur microscope, des étudiants vérifient la viabilité de la graine après plusieurs années. Les chercheurs travaillent aussi à diversifier les variétés pour que le fonio puisse pousser partout dans le pays.
Avec rfi.fr