Le jury, sept hommes et trois femmes, a rendu son verdict. Parmi les quatre finalistes, dont la Française Cloé Korman, l’Italo-Suisse Giuliano da Empoli, ainsi que l’Haïtien Makenzy Orcel, toutes des têtes « nouvelles » pour le grand public, c’est l’autrice Brigitte Giraud qui a tiré son épingle du jeu. « C’est magnifique, c’est inattendu, c’est émouvant », a réagi Brigitte Giraud après l’annonce du prix. Une distinction attribuée au 14e tour de scrutin, après une égalité avec Giuliano da Empoli départagée par la voix décisive de Didier Decoin, président du jury.
« Ce livre est l’arbre généalogique de toutes nos actions »
Avec Vivre vite, édité aux éditions Flammarion, Brigitte Giraud a écrit un roman intime, voire intimiste, qui traverse sa propre vie. Elle nous plonge dans une multitude de petits événements à la fois banals et tragiques qui ont provoqué finalement la mort de son compagnon, décédé à l’âge de 41 ans dans un accident de moto en 1999. À travers d’une logique presque assourdissante de répétitions, la langue de Giraud fait surgir les côtés obsessionnels, colériques et la culpabilité indélébile de ses souvenirs ancrés dans son esprit, son corps et son écriture. Dans la rétrospective de sa vie, elle fait renaître l’époque du drame, les milieux sociaux fréquentés et les questions essentielles de la vie comme la mort et le destin.
« Ce livre est l’arbre généalogique de toutes nos actions, de toutes nos décisions qui ont permis que l’accident ait lieu », a confié Brigitte Giraud au micro de RFI. Elle a construit son roman comme on construit une maison condamnée à s’écrouler tout de suite après. Et l’histoire démarre justement avec la vente d’une maison dont elle avait signé l’acte de vente trois jours avant la mort de son mari.
Retrouver des pistes « coupables »
Vingt ans après ce moment tragique, elle explore tous les indices qui ont provoqué la chute mortelle. Et Brigitte Giraud constate que la maison se retrouve à la fois au cœur de l’accident, mais aussi de l’écriture du livre. Écrit comme une enquête policière, elle remonte le temps pour retrouver des pistes « coupables » ayant conduit à la tragédie, mais peut-être aussi pour donner un sens à cet accident ou pour trouver des arguments comment l’accident aurait pu être évité.
Vivre vite, c’est également le portrait d’une ville, Lyon, là où le destin a frappé ce 29 juin 1999 et c’est là aussi où l’autrice vit encore. Le livre fait renaître les années 1990, incarnées par son mari Claude, journaliste musical, spécialiste de rock pop, directeur de la discothèque municipale de Lyon et fan de moto. Un style de vie où tout va très vite, où il y a de l’énergie à vendre, où l’accident semble faire partie du destin. « C’est un livre dans lequel l’écriture va assez vite. On m’a parlé de thriller existentiel, parce que ce livre est construit comme un compte à rebours. »
Elsa Triolet, Simone de Beauvoir… Brigitte Giraud
Libraire, journaliste et traductrice, Brigitte Giraud aime aussi les lectures dansées ou musicales. Après avoir reçu en 2001 la mention spéciale du prix Wepler pour À présent, elle a décroché le prix Goncourt de la nouvelle en 2007 avec L’amour est très surestimé. Elle est aussi l’autrice d’une pièce de théâtre, Le jour où Maud a sauté, publiée en 2016 et mise en scène au théâtre des Mathurins, à Paris, en 2017.
La Française est la treizième femme lauréate du prix contre 107 lauréats hommes. Elle s’inscrit dans la liste d’autrices célèbres comme Elsa Triolet, première lauréate en 1945, Simone de Beauvoir ou Marguerite Duras. Fait notable, en 119 ans, seules huit femmes ont été jurées dont Françoise Chandernagor, Paule Constant et Camille Laurens qui siègent actuellement au jury.
Avec rfi.fr