ENTRETIEN AVEC Dr Rokhaya SAMBA DIENE (Directrice de la Géologie)
L’Œil du Continent : Quel bilan tirez-vous de ce SIM Sénégal 2021 ?
Dr Rokhaya SAMBA DIENE : Comme vous l’avez vu et vécu, le SIM Sénégal 2021 a drainé beaucoup de monde. Je pense que c’est la première organisation d’envergure en Afrique, plus ou moins, après la Covid ; même si la pandémie est toujours actuelle. C’est donc un bilan de satisfaction, parce que nous avons eu huit pays de la sous-région qui ont participé avec des ministres qui ont dirigé des délégations. Nous avons eu aussi la participation de l’ensemble des sociétés minières présentes au Sénégal, et elles ont eu à sponsoriser l’événement. Au-delà de ces sociétés minières, nous avons aussi le Bos PSE, qui a eu à sponsoriser. Et, mieux encore, nous avons eu la participation des écoles, institutions de formation et des universités. Car, comme l’a dit le président de la République, l’espoir de demain repose sur ces jeunes ; et donc il a bien clairement spécifié que la formation est importante. Ces écoles sont venues lors de ce SIM pour partager leurs expériences et activités. Bref, nous pouvons tirer un bilan de satisfaction. Et, comme l’a dit Mme le ministre des Mines du Niger, l’évènement fut une réussite.
«SI ON REGARDE LA CARTE GÉOLOGIQUE DU SÉNÉGAL, LES ZONES OÙ IL Y A DES RESSOURCES SONT LA GRANDECÔTE AVEC LES MINÉRAUX LOURDS ; NOUS AVONS LES PHOSPHATES DANS LE BASSIN, LES MINERAIS D’OR ET DE FER DANS LE SÉNÉGAL ORIENTAL. CE SONT LES PRINCIPALES ZONES OÙ NOUS AVONS VRAIMENT DES RESSOURCES. SANS PARLER DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION.»
Que pensez-vous de l’affirmation de certains experts, selon laquelle le Sénégal a un potentiel minier sous-exploité ?
Effectivement, on peut dire que le Sénégal a un potentiel minier qui est d’abord sous-exploré. Parce qu’avant de parler d’exploitation, il faut déjà faire la recherche au préalable. Et c’est cela qui a justifié que dans la Loi 2016-32 portant Code minier, il a été institué un Fonds d’appui au secteur minier qui devrait permettre à l’Etat de réaliser sa propre recherche pour pouvoir mieux négocier ses conventions et mieux comprendre ce dont il dispose dans son sous-sol.
Quels sont les atouts dont dispose le Sénégal pour susciter l’intérêt des entreprises minières internationales ?
Il s’agit surtout de la stabilité. Parce que quand il s’agit de noter un pays, dans toutes les notations que vous voyez, le premier point qui est pris en charge, c’est la stabilité du pays. Ensuite, nous avons notre situation géographique. Le Sénégal est bien placé par rapport aux ports, aux routes et aux disponibilités aériennes ; et là, on parle du chemin de fer qui pourrait mieux ouvrir les opportunités dans la sous-région. Nous avons également un atout en termes de main d’œuvre qualifiée, parce que nous avons des écoles de formation qui sont reconnues. Vous l’avez suivi à l’ouverture quand le président Macky Sall parlait de l’Institut des Sciences de la Terre (IST) qui a eu à former des sommités dans tous les États de la sous-région, et pas seulement des Sénégalais.
Si vous allez au Niger, vous trouvez des gens qui ont été formés à l’IST. Quand le président a fait le tour des différents stands, il a pu noter que tous les chefs de file, capitaines et directeurs généraux ont été formés par l’Institut des Sciences de la Terre.
Lors de la clôture du SIM, vous avez noté qu’on a parlé de ceux qui ont été formés dans le pétrole. Actuellement, dans le secteur pétrolier, ce sont nos ingénieurs sénégalais qui sont là-bas. Il y aussi la compréhension et la bonne cohabitation avec les populations. Parce que si les populations ne donnent pas leur accord, une exploitation minière ne peut pas se développer. On peut aussi mettre en avant la découverte du pétrole et du gaz qui va participer à la fourniture d’électricité et d’énergie pour les sociétés minières ; ce qui est le point le plus cher dans le processus d’exploitation.
Par rapport à la découverte du pétrole, qu’en est-il de l’environnement juridique au Sénégal ? Les sociétés étrangères se sentent-elles suffisamment protégées pour faire des investissements ?
Je peux affirmer que oui, parce que la demande de ces sociétés existe, et elle est forte. C’est vrai que c’est une question qu’il faut plutôt adresser aux sociétés minières. Mais, nous avons des lois qui sont claires ; nous avons des incitations qui sont données à ces sociétés et nous sommes en phase avec la vision du régime minier pour l’Afrique et les réglementations communautaires.
Quels sont les dispositifs mis en œuvre pour permettre aux ressources minières sénégalaises d’être compétitives ?
Je vous ai tantôt parlé des incitations et autres, et aussi de l’environnement d’accessibilité du Sénégal. Mais, là, l’un des autres points principaux est la promotion ; parce que le département ministériel chargé des Mines au Sénégal s’investit beaucoup sur cet aspect pour faire connaître aux autres ce dont nous disposons. Pour ce faire, nous participons à des ateliers internationaux aussi bien en ligne qu’en présentiel, à des salons des mines de la sous-région.
Nous organisons tous les deux ans notre propre salon des mines. Le mois prochain, nous allons participer à ECOMOF, qui est un salon des mines où on retrouve les 15 États de la Cedeao au même endroit ; et la troisième édition se tiendra au Niger du 1er au 3 décembre 2021. Indépendamment de cela, on a la SAMAO au Burkina, le JMP au Mali, les Mauritanites en Mauritanie.
Et à l’international, nous avons Mining Indaba, le PDAC en Afrique du Sud, le Congrès des prospecteurs canadiens. Voilà autant d’activités qui nous permettent de promouvoir le secteur minier sénégalais.
Quelles sont les zones qui constituent des sources de débouchés au Sénégal dans la conquête du marché international ?
Si on regarde la carte géologique du Sénégal, les zones où il y a des ressources sont la grande côte avec les minéraux lourds ; nous avons les phosphates dans le bassin, les minerais d’or et de fer dans le Sénégal oriental. Ce sont les principales zones où nous avons vraiment des ressources. Sans parler des matériaux de construction. Mais ça, on peut dire que ce sont des minéraux du développement. Ce sont des choses qui peuvent être utilisées sur place.
Concernant le marché international, où est ce que le Sénégal peut vendre ses richesses ?
Le Sénégal vend actuellement ses richesses. Par exemple, l’or qui est produit est amené en Suisse, le zircon en Norvège, les phosphates avec la production d’acide phosphorique en Inde ; ce qui permet de faire aussi des engrais qui vont dans la sous-région.
Quelles sont les conséquences économiques et environnementales des mines abandonnées au Sénégal ou même en Afrique de manière générale ?
En principe, les mines abandonnées ne devraient pas exister, parce que tout simplement dans la législation minière, il est prévu la réhabilitation des sites. Et le Code minier prévoit même un Fonds de réhabilitation qui est fourni pour les sociétés minières pour pouvoir, au cas où ces sociétés se dédient, que l’Etat mobilise ces ressources pour réhabiliter.
Maintenant, les conséquences environnementales ici sont les risques liés aux communautés. Parce que, si ces mines ne sont pas remises en état ou sécurisées, le risque est présent car, ce sont des zones potentielles d’accident. Et même si, on n’est pas encore là, dans certains pays, des problèmes environnementaux sont causés par le drainage minier acide, après l’exploitation de l’or qui se présente. Concernant le zircon, on n’a pas de problème chez nous parce que la réhabilitation est effectuée au fur et à mesure de l’avancée de l’exploitation. Le problème principal, c’est les carrières de matériaux de construction ; et à ce niveau, l’Etat est en train de prendre des dispositions. Il y a un projet que la Direction des Contrôles et de la Surveillance des Opérations Minières envisage de faire sur la réhabilitation de ces carrières.
Au-delà du phosphate et du calcaire, existe-t-il d’autres richesses dans notre sous-sol qui suscitent l’engouement des entreprises minières étrangères ?
La demande est forte en ce qui concerne les minéraux lourds. C’est-à-dire le zircon, ilménite titane. Nous avons aussi le fer. En matière de minéraux de construction, nous avons le sable et les minéraux du développement, comme l’argile qui doit être promue afin de permettre même aux communautés de les utiliser. C’est pourquoi, on parle de minéraux de développement. Ce sont des termes qui ont été institués par le PNUD qui dit que les populations autour des zones de ces ressources doivent pouvoir en bénéficier.
Vous citez davantage l’or et le zircon, est-ce à dire que ce sont les principales richesses qui peuvent donner plus d’opportunités au Sénégal ?
Effectivement, parce que la donne est forte dans ces zones, la recherche est assez avancée ; et les permis de recherche pour ces deux substances sont assez prometteurs.
Si, nous revenons à la découverte du pétrole et du gaz, ne craignez-vous pas que les industries extractives minières souffrent de cette nouvelle donne ?
Au contraire, le pétrole et le gaz vont faciliter l’accès à l’énergie pour les sociétés minières, parce qu’elles sont obligées de mettre en place des centrales. Car, si vous regardez leurs dépenses,
celle de l’accès à l’énergie est la plus élevée ; donc, cette exploitation devrait permettre de réduire les coûts d’exploitation.
Propos recueillis par Kensio AKPO & Samba FAYE