« L’accord a été adopté », a déclaré Huang Runqiu, le président chinois de la COP15, cette nuit à Montréal en faisant retentir un coup de marteau.
Après quatre années de négociations difficiles, dix jours et une nuit de marathon diplomatique, plus de 190 États sont parvenus à un accord. Ce « pacte de paix avec la nature » appelé « accord de Kunming-Montréal » vise à protéger les terres, les océans et les espèces de la pollution, de la dégradation et de la crise climatique.
30% de la planète protégée et des terres dégradées restaurées
Concrètement, les pays se sont mis d’accord sur une feuille de route visant à protéger 30% des terres et des mers d’ici à 2030. Cela se fera « par le biais de réseaux d’aires protégées écologiquement représentatifs, bien reliés et gérés de manière équitable » et « tout en veillant à ce que toute utilisation durable (…) soit pleinement compatible avec les objectifs de la conservation ». L’objectif est donc mondial et non pas national, impliquant que certains en fassent plus que les autres, ou en fasse plus sur terre que sur mer. Ces 30% sont un minimum pour les scientifiques et les ONG, qui jugent que 50% serait nécessaire. À ce jour, 17% des terres et 8% des mers sont protégées.
Deuxième objectif : restaurer 30% des écosystèmes terrestres, de mers intérieures et d’écosystèmes côtiers et marins dégradés.
Les négociations ont été marquées par un long marchandage entre le Nord et le Sud : plus d’ambitions écologiques en échange de plus de subventions internationales, et vice versa. Au final, le texte approuve l’objectif pour les pays riches de fournir « au moins 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, et au moins 30 milliards de dollars par an d’ici 2030 ». Soit environ le double puis le triple de l’aide internationale actuelle pour la biodiversité.
Autre objectif qui n’était pas prévu ou pas forcément gagné d’avance : la réduction des pesticides. L’accord prévoit de réduire « les risques de pollution et l’impact négatif de la pollution de toutes les sources, d’ici 2030, à des niveaux qui ne sont pas nuisibles à la biodiversité ». Un long bras de fer a opposé l’Union européenne à des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie.
Opposition de la RDC
Mais il y a aussi des faiblesses dans ce texte, souligne notre envoyée spéciale à Montréal,Lucile Gimberg. Pour rappel, quasiment aucun objectif fixé à l’accord précédent, en 2010 à Aichi, n’a été atteint à son terme, en 2020. Cette fois, les pays ont donc adopté un mécanisme de planification et de suivi commun, avec des indicateurs précis. Un mécanisme qui va encore devoir faire ses preuves. Le texte reste moins contraignant que celui sur l’accord de Paris pour le climat.
Et puis évidemment cette déception d’un certain nombre de pays du Sud, notamment des pays africains, sur les financements qui augmentent, mais qui ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. D’ailleurs, après les applaudissements qui ont suivi l’accord, il y a eu un moment de tension. La République démocratique du Congo a dit en effet son opposition à cet accord en raison de l’absence d’un fonds dédié pour les pays du Sud. C’était une des grandes demandes. Elle a dénoncé un « manque d’ambition » financière alors que le la RDC notamment, et les pays du bassin du Congo, vont devoir dépenser beaucoup d’argent pour protéger la biodiversité dans leurs espaces naturels. Le Cameroun a parlé de « passage en force ».
Accord « historique »
Il n’empêche, cet accord est qualifié d’« historique » par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. « Historique » aussi pour Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique.
On a un accord qui inclut les pesticides, on a un accord qui précise qu’il va falloir éliminer les subventions qui sont néfastes à la biodiversité, on a des engagements, pas seulement jusqu’en 2050, mais avec des dates, qui concernent 2030, et on a des financements, même si certains pays trouvent que ça ne va pas assez loin, qui doublent, entre maintenant et 2025, et qui triplent d’ici 2030 ! Il faut regarder d’où on part. Pour toutes ces raisons, c’est un accord absolument historique.
«La protection de la nature prend aujourd’hui sa juste place, juste à côté du climat, Espen Eide, s’est félicité le ministre du climat et de l’Environnement norvégien. Depuis cinq ou six ans, le climat est devenu un sujet de premier niveau. Les chefs d’États et de gouvernement, les grands patrons, les grandes organisations travaillent sérieusement sur le climat. Mais nous n’avons pas prêté assez attention à la nature. Pourtant, nous vivons une crise du climat et une crise de la nature. Et nous devons rééquilibrer ces deux batailles. Il ne s’agit pas seulement de réduire nos émissions de gaz à effet de serre mais aussi de préserver la biodiversité. Et je pense que ce cadre international aura un effet matériel sur le monde. Pour les gouvernements, les ONG, les entreprises qui voudront développer leurs investissements en respectant davantage la nature. Et cela fixe le cap pour les prochaines COP. Soyons clair, j’aurais aimé un texte plus fort. Mais je pense qu’on a obtenu un accord raisonnablement bon, qui envoie un message fort et fixe les exigences pour l’avenir. »
Avec rfi.fr