Pas de consensus après plus de deux heures de débat sur la question : Moussa Faki n’a pas été suivi par les États-membres du Conseil paix et sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA).
Seuls trois pays ont soutenu la demande de sanctions contre le pouvoir de transition tchadien, l’Afrique du Sud n’a pas pris position. Cela alors que la grande majorité des pays membres du CPS, 11 sur 15, se sont prononcés contre, selon nos sources.
Seuls trois pays ont soutenu la demande de sanctions contre le pouvoir de transition tchadien, l’Afrique du Sud n’a pas pris position. Cela alors que la grande majorité des pays membres du CPS, 11 sur 15, se sont prononcés contre, selon nos sources.
« Camouflet pour Moussa Faki »
Une autre source reconnaît que « la diplomatie tchadienne a fait du bon travail auprès de plusieurs États-membres », en rappelant que l’actuel ministre tchadien des Affaires étrangères, Mahamat Saleh Annadif a un carnet d’adresses bien fourni. Le Tchad a bénéficié en outre du lobbying d’une puissance non africaine, a ajouté ce diplomate, sans plus de précisions.
À Ndjamena, on exultait vendredi soir, même si pour le moment le pouvoir évite tout triomphalisme, même si un haut cade tchadien a qualifié le moment de « camouflet pour Moussa Faki ». Le président de la transition Mahamat Idriss Deby Itno s’est lui contenté d’un simple tweet : « Dieu est grand ».
De son côté, un des proches du président de la Commission, joint à Addis-Abeba, a fustigé « une décision qui va faire perdre à l’Union africaine le peu de crédibilité qui lui restait sur ce plan ».
Mise au point
C’est très rare que le président de la Commission de l’Union africaine fasse une mise au point mais « c’était nécessaire, car il s’est senti désavoué par le CPS », estime une source à Addis-Abeba.
Moussa Faki assume donc, dans son texte, son rapport sur le Tchad et insiste sur le fait qu’il n’a fait que respecter « les principes et décisions » de l’organisation, en demandant des sanctions contre le pouvoir de transition.
Il accuse le Conseil militaire de transition, la junte militaire dirigée par le général Mahamat Idriss Deby Itno qui a dirigé la première phase de la transition, d’avoir refusé de respecter une durée maximale de 18 mois pour la transition, comme promis, ainsi que l’interdiction faite aux militaires au pouvoir d’être candidats aux prochaines élections.
Le CPS a « pris à trois reprises la même décision sur l’inéligibilité des militaires et sur la durée de la transition », rappelle ce texte, avant d’assener : « Les autorités de la transition ont violé ces principes et décisions ».
« Il met les États membres de l’Union africaine devant leurs responsabilités publiquement », explique la même source en leur disant, « Que va-t-on dire demain au Burkina Faso, au Mali, à la Guinée et au Soudan ? ». Ces quatre États qui ont connu, comme le Tchad, « des changements anticonstitutionnels de gouvernement » sont sous sanctions de l’UA.
Accusé depuis des mois par Ndjamena d’instrumentaliser l’Union africaine à cause de ses ambitions politiques pour la prochaine présidentielle dans le pays, Moussa Faki s’est aussi voulu rassurant en jurant qu’il n’a pas de « parti pris » dans ce dossier.
Le torchon brûle entre Moussa Faki et Mahamat Idriss Deby Itno
En réalité, le torchon brûle entre Moussa Faki et le président de la transition, Mahamat Idriss Deby Itno qui a réussi à évincer l’Union africaine lors de la dernière réunion de l’organisation des États d’Afrique centrale (CEEAC) en charge du dossier Tchad et qui lui est très favorable.
Vendredi 11 novembre, les trois États membres de cette organisation régionale, membres du CPS, à savoir le Burundi, le Congo-Brazzaville et le Cameroun, ainsi que le président de la RDC, Félix Tshisekedi, qui a participé à cette réunion en tant que « facilitateur dans la crise tchadienne de la CEEAC », ont tous plaidé pour que celle-ci garde la main sur le dossier. Ils ont également plaidé pour « un accompagnement de la transition » plutôt que pour des sanctions, selon nos sources.
Moussa Faki assure également agir « sans soumission à aucune autre autorité de quelque nature que ce soit… » C’est une allusion à la France, accusée, par des diplomates à Addis-Abeba, d’avoir fait pression sur certains pays en faveur de Mahamat Idriss Deby Itno, ce que Paris a toujours démenti.
Un proche du président de la Commission, d’origine tchadienne et ancien ministre des Affaires étrangères du président défunt, Idriss Deby Itno, qui a toujours assuré ne pas avoir de visées politiques au Tchad, assure que quoi qu’il fasse, il sera toujours soupçonné de « double jeu ».
« De même qu’il a été accusé d’avoir favorisé le Tchad, en 2021, il est accusé aujourd’hui de vouloir le sanctionner », semble confirmer la mise au point signée de sa porte-parole, Ebba Kalonda.
Enfin, Moussa Faki estime qu’il n’a pas été désavoué. « Aucun membre du CPS n’a contesté le rapport » qu’il a présenté, insiste-t-il dans sa mise au point. Il aurait d’ailleurs obtenu du Conseil, selon nos sources, que celui-ci se penche de nouveau sur le cas tchadien dans les prochains jours.
Avec rfi.fr