Des cas de réticence à la vaccination sont toujours notés au Sénégal, a signalé ce mercredi à Dakar Dr Alassane Ndiaye, chargé de la gestion des données du Programme élargi de vaccination (PEV) ; non sans alerter sur le fait que des maladies hautement transmissibles comme la poliomyélite, pouvant partir d’un seul cas confirmé à 200 personnes infectées, ont refait surface dans le pays. Le Sénégal affiche un taux de couverture vaccinale contre la polio (VPO3) de 76% en 2023, estimation tirée des recoupements entre les données d’enquête et le nombre de doses administrées au niveau de la consommation. Cela compte tenu du mot d’ordre de rétention des données sanitaires récemment levé.
« Pendant la dernière campagne de vaccination, notamment celle contre la rougeole, nous avons rencontré des difficultés dans toutes les régions, particulièrement à Dakar. Dans certaines zones, l’accès est difficile, surtout au niveau des zones résidentielles. Là, vous avez des immeubles et parfois le matin, il n’y a pas de parents qui sont là, vous voyez juste quelques-uns, ce n’est pas facile d’ouvrir les portes pour la vaccination », a confié le médecin de santé de publique revenant sur plusieurs anecdotes sur la vaccination au Sénégal ; certaines susceptibles de redonner vie à la maladie.
Puis d’ajouter : « Je ne parlerai pas de nationalité pour ne pas soulever d’autres questions, mais il y a certaines zones où il y a des populations qui s’opposent catégoriquement à se faire vacciner. C’est le service d’hygiène souvent qui nous accompagne pour essayer de convaincre ces populations-là à se faire vacciner. On le retrouve dans toutes les régions ».
Dr Alassane Ndiaye était l’invité du 5ème numéro des « Mercredis de l’AJSPD », une tribune d’échanges entre un expert et des journalistes sur le thème : « les nouveaux défis de la lutte contre la poliomyélite », organisée par l’Association des journalistes en santé, population et développement (AJSPD). Ceci, dans le cadre du projet « Santé en Lumière » qu’elle mène à Dakar et à l’intérieur du Sénégal grâce au financement acquis de la fondation Bill et Melinda Gates.
Poursuivant, Dr Alassane Ndiaye partage sa propre expérience tirée de la campagne contre la fièvre jaune dans les régions de Kédougou et Tambacounda en février 2021. « En mars 2021, on allait administrer les vaccins contre la Covid-19. Juste avant, il y avait une campagne contre la fièvre jaune, mais c’étaient des refus organisés. J’étais dans le district de Kidira, où ce sont des villages entiers qui refusaient de se faire vacciner (…) Mais chaque fois, je disais que c’est une guerre de tranchées. Vous venez, un village refuse, vous négociez. On vous dit, attendez, on avait refusé parce qu’on avait une réunion. Donc, vous attendez le soir, on va se réunir pour voir si on va accepter. Donc, tout le village se réunit le soir et on dit, maintenant, c’est bon. Demain, vous venez, vous pouvez nous vacciner. Donc, c’est comme ça qu’on a procédé en 2021 au niveau de la région de Tambacounda », a-t-il raconté.
La désinformation, l’autre handicap de la lutte
Selon lui, ce refus était dû à une surabondance d’informations, le plus souvent inexactes, que nos parents de la diaspora envoyaient au Sénégal. Seulement, a-t-il relevé pour s’en réjouir, « c’étaient des refus catégoriques, mais quand on y est, parfois, les gens accèdent à se vacciner. Toutefois, le médecin de santé publique note que ces cas de refus, souvent nés d’incompréhensions et de manque d’informations fiables, retardent le processus d’immunisation puisque les campagnes de vaccination durent en général trois voire cinq jours.
Tout cela a fait dire au médecin que le renforcement de la vaccination de routine et la désinformation et méfiance envers les vaccins depuis la Covid-19 constituent des défis du moment dans la lutte contre la poliomyélite.
Au Sénégal, la poliomyélite a refait surface en janvier 2021 après onze (11) ans sans le moindre cas enregistré dans le pays. A présent, huit (8) cas de type environnemental ont été détectés cette année, alors qu’un cas humain a été notifié en novembre 2022 à Kédougou. Certes, la polio est une maladie handicapante, mais moins de 1% des enfants porteurs du virus font la paralysie.
Président de l’association des journalistes en santé, population et développement, Eugène Kaly a, pour sa part, précisé que cette activité vise à mettre à jour les connaissances des journalistes spécialisés en santé sur la poliomyélite, maladie que le Sénégal cherche à éradiquer à nouveau, c’est-à-dire réduire à zéro. « D’autres activités similaires seront déroulées dans les prochains jours afin de permettre aux journalistes, écrivant régulièrement sur la santé, d’avoir les outils nécessaires pour accompagner la lutte contre la maladie au Sénégal », a indiqué M. Kaly.