Des danseurs vêtus d’obom, tissu traditionnel Ekang Beti, suivent le rythme des balafons et tam-tams à l’ombre des buildings de l’avenue Kennedy à Yaoundé. Un spectacle inédit, mené par Otélé Belomo. Il a enfilé le costume du guerrier. Il agite sa lance le visage serré… « Aujourd’hui j’ai joué le rôle du Neboro, celui qui a montré au peuple la voie, explique-t-il. C’est le dos du serpent, le peuple béti a marché sur le dos d’un serpent le Ngan Medza pour aller d’une rive de la Sanaga à l’autre ».
Le Ngan Medza, le mythique reptile a donné son nom au festival. Pour Bingono Bingono patriarche, ce serpent géant qui a permis aux peuples Ekang Beti ou encore Ntoumou de franchir la Sanaga était invoqué par les initiés, il y a plus de 5 000 ans : « Le Ngan Medza, le serpent géant de la traversée de la Sanaga se situe à l’époque de la préscience où les initiés étaient encore en osmose avec les entités décorporées que sont les ancêtres, les génies et les esprits. »
« C’est important que les Beti se retrouvent »
Direction ensuite le musée ethnologique des Peuples de la forêt. C’est le village du festival. Un lieu apaisant au cœur de Yaoundé. Dr Therese Fouda, fondatrice du musée, est, elle, à l’origine du festival né en 2022 : « Le festival, c’est moi qui l’ai conçu, on l’a créé ici. C’est important que les Beti se retrouvent, qu’il y ait de l’amour et le vivre ensemble déjà entre nous et avec les autres. » Cette pharmacienne et passionnée d’art rêve en effet de perpétuer la tradition des peuples de la forêt et faire voyager le festival Ngan-Medza partout dans le monde.
L’anthropologue Aurélien Mvesso décrypte le rôle d’une manifestation de ce type : « On a développé le communautarisme qui se manifeste dans nos jours à travers la musique, à travers l’art, et bien d’autres choses. Cependant, trop de modernités ont aussi tué la culture, parce que comme nous étions une culture essentiellement orale. La transmission se perd un peu. Vous grandissez dans un milieu, et dans ce milieu vous commencez à comprendre certaines choses : vous vivez telle que la communauté le fait. Maintenant ce n’est plus ça, il faut transmettre, il faut travailler pour que sa culture ne meure pas, c’est ça la véritable difficulté des peuples de la forêt. D’où ce carnaval qui est une sorte de réconciliation entre nous et notre passé pour pouvoir le transmettre à l’avenir. »
Avec rfi